Un duel à la loupe : BONAPARTE contre GROSEY (3)
Dans notre précédent article nous faisions part des premiers résultats de notre recherche de traces imprimées du duel « auxonno-dolois » Grosey-Bonaparte.
La première piste suivie dans cette recherche sur les traces du Commandant Bois nous avait malheureusement conduit à une impasse
Un duel à la loupe: BONAPARTE contre GROSEY (2)
Aujourd’hui c’est justement un Auxonnais, Claude PICHARD, qui pourrait nous tirer d’embarras en nous conduisant à une source imprimée doloise dont l’étude fera l’objet du présent article.
Dans son ouvrage Napoléon Bonaparte à Auxonne (Auxonne, 1857) Claude Pichard écrit en page 34 la note suivante qui occupe une grande partie de la page :
« Ajoutons ici la notice suivante recueillie par le savant bibliothécaire de Dole, M. Pallu, et insérée dans l'Album Dolois du dimanche 3 décembre 1843 ? : Louis-Denis-Catherin Grosey, né à Dole le 25 novembre 1750, ancien président dutribunal civil de Lure, mort à Crissey près Dole, en 1817, avait eu dans sa jeunesse ungoût très-vif pour faire des armes ; aussi avait-il la réputation d'un bretteur. Un jour qu'il était à Auxonne, il se prit de querelle avec Bonaparte et se battit en duel avec lui. Lorsque Bonaparte fut arrivé au pouvoir, Grosey lui demanda un emploi. Sa requête contenait ce singulier passage : Si tu ne me reconnais pas, tu te rappelleras du jeune Dolois qui t'a donné un coup d'épée, sur le rempart du Cygne à Auxonne. — Bonaparte, au lieu de se fâcher, fit droit à la requête de Grosey et le nomma procureur impérial à Béfort. »
Nos lecteurs pourront lire eux-mêmes, dans sa forme originale « la notice suivante recueillie par le savant bibliothécaire de Dole, M. Pallu, et insérée dans l'Album Dolois du dimanche 3 décembre 1843 ? » sur le PDF ci-dessous réalisé à leur intention.
Ils comprendront le point d’interrogation ajouté par Claude Pichard derrière la date. Renseignements pris, cet album dolois est bien de 1843
À noter que Claude Pichard ajoute au texte du « savant bibliothécaire de Dole, M. Pallu » un détail de son cru précisant à propos de rempart qu’il s’agit du « rempart du Cygne » (Rappelons que Bois citant Coston parlait déjà de « rempart du Signe » qui est en fait le même lieu puisque les deux orthographes coexistent)
Outre qu’il modifie, sans mentionner le fait, le texte sur lequel il appuie ses affirmations, Pichard n’instruit par ailleurs aucunement le lecteur de la raison et de l’origine de cette modification.
Dans une note en bas de page de son Napoléon de sa jeunesse (Paris, Ollendorf, 1907) Frédéric MASSON juge sévèrement les oeuvres de Claude Pichard en ces termes (note en bas de la page 177) :
« (1) Monsieur Pichard, maire d’Auxonne, qui a publié une brochure Napoléon Bonaparte à Auxonne (1ère édition Auxonne 1847, in-8 de 96 pages 2ème édition Auxonne 1857, in-16 de 100 pages), fait preuve des meilleures intentions mais manque absolument de critique et accepte sans contrôle toutes les légendes [...] »
Sans adhérer pleinement à ce jugement sévère émis par Frédéric MASSON, on est fondé à regretter que ce détail « rempart du Cygne » ait été ajouté par Claude PICHARD sans autre précision.
Notons par ailleurs que nombre de gazettes, autour de 1843, avant l’Album dolois ou après, publièrent en substance le même texte mais sans jamais parler du « rempart du Cygne ».
Citons, entre autres, à ce propos :
Le Spectateur de Dijon du 13 décembre 1843, L’Écho rochelais du 15 décembre 1843, L’Illustration du 13 janvier 1844, Le Moniteur Universel du 09 janvier 1844, le Nürnberger Kurier du 24 février 1844
Ce détail « tombé du ciel » ajouté par Claude Pichard, ainsi qu’un autre détail sujet à caution présent dans toutes ces publications, permettent de douter de la réalité historique de ce duel.
La suite dans un prochain article...
Martine SPERANZA avec la collaboration active de Claude SPERANZA