Souvenirs et témoignage d'un conscrit de la Classe 1966
Cet article ne prétend pas être une leçon d'histoire. Tout juste un aperçu, la mise en ordre et l'illustration de quelques souvenirs.
Un mot d'abord sur la fête patronale d'Auxonne, dont la date (8 septembre) coïncide avec la fête religieuse de la Nativité de la Vierge, la Sainte patronne de notre ville étant Notre-Dame.
Cette fête se tient le 8 septembre, si celui-ci est un dimanche, ou le dimanche qui suit. Au milieu du siècle dernier, cette fête prit une importance nouvelle car il se trouve que c'est précisément le 8 septembre 1944 que notre ville fut libérée de l'occupation allemande.
Notre bon curé d’alors, le Chanoine Cornier mit à profit la coïncidence pour rehausser la solennité du 8 septembre.
Je garde un très vif souvenir de ce prêtre, ancien de 14, homme plein d’autorité et de dynamisme qui savait pimenter sa catéchèse de témoignages personnels. Il est resté pour moi un modèle de mentor, humain, exigeant et plein d'originalité. Je lui rends ici un hommage sincère.
C’est aussi à son initiative, qu'au soir du 8 septembre, le centre-ville s’animait d’une procession aux flambeaux de la Place de l’Église à la Cour du vieil Hôpital à la lueur des cierges et au son des Ave que reprenaient les hauts-parleurs sur véhicule des maisons de radio Jean Fourcault ou Hosmalin
Cette fête était aussi un grand jour pour les conscrits (jeunes gens et jeunes filles dans l’année de leurs 18 ans) comme nous le verrons plus loin.
Le document qui suit montre qu'en 1966 le souvenir et les marques de reconnaissance témoignées autour de la libération d'Auxonne étaient toujours aussi vifs.
Le temps a largement estompé depuis l'importance de cette fête.
Qui était traditionnellement aussi, celle des conscrits et des conscrites.
Mais d'abord qu'est-ce qu'un conscrit ?
Dans la côte bourguignonne c'est, en temps de vendanges, un raisin pas encore mûr. Donc trop jeune. Raisin ou homme, un conscrit c'est jeune ! Avec les conscrits-raisins on fait du verjus. Avec les conscrits-hommes, on fait des bataillons.
Plus sérieusement, le mot conscrit a une origine latine. Un conscrit, c'est celui qui est inscrit avec d'autres sur un rôle (une liste), celui qui est enrôlé. La conscription est la constitution de listes d'enrôlés disponibles pour lever une armée.
C'est sous le Directoire que la loi Jourdan du 5 septembre 1798 introduit en France la conscription. Elle oblige tous les jeunes gens entre 20 et 25 ans à s'inscrire sur les registres communaux.Les conscrits se disposent à un service de cinq ans. Ils sont répartis en 5 classes et chaque année sont appelées une ou plusieurs classes en fonction des besoins militaires.
Un conscrit fait partie d'une classe. Un conscrit de la classe 1912 a 20 ans en 1912. Quand un conscrit crie « Vive la Classe » il rend hommage à tous ses copains du même âge. Votre serviteur qui est de la « 66 » eut donc vingt ans en 1966.
Mais il en fut de plus vieux encore comme vous allez le voir sur les clichés qu'un collectionneur distingué m'a gentiment passés.
Revenons à présent et plus précisément aux conscrits auxonnais de la classe 1966.
À la fin de l'été 1964 et à l'approche de la fête patronale, les conscrits de la classe 1966 bambochaient et traînaient en ville nuit et jour, faisant diverses niches. Tout cela, une à deux semaines durant.
Une preuve écrite témoigne néanmoins du fait qu'ils purent s'acquitter aussi de plus nobles devoirs.
Ils participaient enfin, le dimanche de la fête, à un banquet dans un restaurant de la ville et à un bal, auxquels les conscrites étaient invitées. Lors de ces réjouissances, les conscrits portaient cocarde tricolore et les conscrites, cocarde blanche.
Mais d’où venait l’argent pour les bamboches arrosées entre garçons et pour le banquet mixte, mieux tenu, du jour de fête.
D’une quête au porte à porte chez les particuliers et les nombreux commerçants d’alors.
Contre une image de la Vierge de la Nativité, preuve de notre passage, qu’on affichait sur sa porte, le bon citoyen payait généralement son obole qu’il arrosait souvent d’un canon.
Votre serviteur a vécu tout ça, en 1964, avec ses copains et copines de la classe 1966 qu’il salue ici.
Il serait injuste d'oublier les conscrits des Granges qui avec un décalage de quinze jours accomplissaient à peu près les mêmes rites. Ceux-ci se terminaient quinze jours après les nôtres le dimanche de la Fête des Granges complètement disparue aujourd'hui.
Eux aussi distribuaient des images de la Vierge différentes des nôtres mais diffusées par la même librairie Bonnetain ( rue du Bourg, sous l'enseigne Le réveil de la Côte d'Or)
Vous pourrez les découvrir dans le document qui suit.
Sans oublier les cocardes de conscrite et de conscrit .
Ayant égaré la sienne, votre serviteur l'a remplacée par une autre, beaucoup plus décorée et plus ancienne de la Classe 1912
La fête patronale d'Auxonne s'est rétrécie avec le temps. La fin de la conscription due la décision de professionnalisation des armées, annoncée fin 1996, a pris effet dans les années qui suivirent.
Mais bien avant cette disparition, les rites des conscrits s'étiolèrent. Arrivaient déjà, les supermarchés, les transistors, la pilule et le yéyé, la tradition ne survécut pas bien longtemps au-delà de 1968….On ne va pas pour autant pleurer !
Pour terminer en image, nous rendrons hommage à la classe 1912, une de celles qui ont vraiment mérité de la Patrie !