Jouet en tôle emboutie et soudée de marque FV - Fabrication fin 19ème siècle - Collection particulière
... EN LISANT LES JOURNAUX
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AUTEURS des articles Michel Dugied et Martine Speranza
Remerciements à Noël pour les photos de Pompiers en tôle : voir son blog magique
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LE GROS FEU
récit
Champdôtre avec ses 747 habitants est un des plus gros village du Canton d'Auxonne,
situé à 9 km d'Auxonne et à 28 km de Dijon
Lundi 19 juin 1865, la chaleur est étouffante et le ciel toujours sans nuages. C'est le soir, quand l'alerte est donnée à Auxonne, des flammes sont visibles dans la plaine depuis la tour de l'église et le guetteur avertit la population avec son porte-voix
le feu à Champdôtre !
L'incendie
A Dijon, on voit depuis la Gare une vaste et sinistre lueur dans la plaine, sans pouvoir localiser précisément l'incendie. Le télégraphe a dû propager la nouvelle, le réseau fonctionne déjà à cette époque entre la station de la Préfecture de Dijon et celles d'Auxonne et de Genlis[1].
A Auxonne, le maire, son adjoint et le commandant de la place se réunissent pour coordonner les actions, soldats, pompiers et bourgeois s'empressent alors vers Champdôtre, village distant de 9 km. La compagnie de pompiers part avec ses hommes et une pompe tirée par un cheval[2]. Les soldats sont des artilleurs du 14e régiment d'artillerie monté qui sont de piquet d'incendie ce jour-là, ils partent avec une pompe tirée par plusieurs chevaux[3] pour rejoindre les 23 pompes accourues de tous les cantons voisins pour lutter courageusement, mais en vain, contre un fléau dévastateur qu'un vent du nord-est semblait se faire une joie d'activer.
L'incendie s'est déclaré à 9h et demie dans des hébergeages et avant qu'aucun secours ait pu être organisé, plusieurs maisons étaient déjà embrasées. La plupart des maisons couvertes en chaume, avec des escaliers en bois et des murs en colombages, apportent des aliments de choix aux flammes. En deux heures tout le bas du village est détruit, depuis la rue aux Prêtres prise comme ligne d'arrêt de feu par la garnison et par la Compagnie de pompiers d'Auxonne et les sapeurs de Champdôtre. Dans ce quartier seulement six maisons couvertes en tuiles sont épargnées.
Les pertes matérielles
L'incendie détruit 90 maisons occupées par 95 familles composées de 320 personnes. Les mobiliers, les récoltes et les bestiaux qu'elles renfermaient sont devenus aussi la proie des flammes. Personne, heureusement n'a péri. Les pertes sont évaluées de 3 à 400,000 fr, mais une partie importante est couverte par les assurances.
Plus de la moitié des habitants du village se trouvent à la rue, sans pain et sans asile. Les habitants d'Auxonne ont envoyé sans tarder du pain et des vêtements[4]. Dés le lendemain matin le Préfet part au premier train pour se rendre sur place et organiser l'aide aux victimes. Il fait appel dans la presse à la bienfaisance publique en faveur des incendiés et demande l'ouverture de souscriptions publiques : les journaux de Dijon et d'Auxonne répondent à cet appel dés le lendemain : la souscription en argent et en nature en faveur des incendiés ouverte au bureau de l'Echo Bourguignon reçoit les dons de S.M. l'Empereur (Napoléon III), S. Exc. le maréchal Vaillant, S. Exc.le ministre l'intérieur, M. le Préfet ... on pourra lire la liste des nouveaux donateurs publiée régulièrement dans le journal. A Dijon et dans les localités de la plaine on organise des quêtes et des manifestations en faveur des incendiés.
Les secours versés aux habitants sinistrés se monteront à 75 287,15 Fr en espèces et 11 924,15fr en nature, pendant la période de juin 1865 à fin août 1866[5].
L'enquête Dés le lendemain de l'incendie un habitant du village, Claude Boudriot, est mis en état d'arrestation, soupçonné d'avoir mis le feu pour satisfaire une vengeance personnelle. Il sera jugé coupable avec des circonstances atténuantes, lors de la session d'assises du 23 août 1865 et condamné à 20 ans de travaux forcés[6]. Il mourra au bagne de l'Ile aux pins en Nouvelle-Calédonie en 1882 (matricule 438).
La reconstruction Très vite, au mois de novembre 1865, le Conseil municipal de Champdôtre propose le lotissement du terrain communal de La Gueulotte à bas prix, pour faciliter la reconstruction des bâtiments incendiés en prévoyant plus d'espace autour des maisons, pour les isoler les unes des autres.
Martine SPERANZA
Ce récit est une synthèse rapide des informations trouvées dans les journaux, les archives et l'ou-
vrage L'histoire de Champdôtre au fil des siècles , par Maurice Parizot, avec Jean Farcy et Jean-Marie Roy , publié par la Mairie de Champdôtre
[6] Les journaux de l'époque, L'Union Bourguignonne et l'Echo Bourguignon de septembre 1865 donnent un compte-rendu identique de cette Treizième affaire de la session des Assises à Dijon, avec de nombreux détails sur la personnalité de Claude Boudriot, sur ses motivations, mais sans expliquer le pourquoi des circonstances atténuantes.
En illustration quelques objets et images évoquant les pompiers en 1865
Illustrations 1.2.4.5.6. Collections particulières - 3. Archives municipales d'Auxonne
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SOURCE 1
L'UNION BOURGUIGNONNE, journal de Dijon, paraît les lundi, mardi, mercredi, vendredi et samedi. Ce journal deviendra LE BIEN PUBLIC en 1868.
Conservé aux Archives Départementales de la Côte d'Or - Cote PER 167 Art. 4
C'est le mardi 20 juin et le mercredi 21 juin, donc très vite le lendemain et surlendemain de l'événement, que ce journal dijonnais donne l'information.
Pour lire les journaux du 20 et 21 juin 1865 CLIQUEZ ICI
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SOURCE 2
L'ECHO BOURGUIGNON, Journal des rives de la Saône imprimé à Auxonne (4 pages), paraît tous les dimanches
Conservé à la Bibliothèque Municipale d' Auxonne - Fonds local
C'est donc seulement le dimanche 25 juin 1865 que l'on peut lire en première page ce compte-rendu de l'événement de la semaine écoulée :
L'INCENDIE !
Pour lire le journal du 25 juin 1865 CLIQUEZ ICI
Pour lire le journal du 2 juillet 1865 CLIQUEZ ICI
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SOURCE 3
Le grand feu de Champdôtre du 19 juin 1865
de la mémoire familiale à la réalité historique
L'auteur de ce récit est Michel DUGIED, laissons-le se présenter :
" Je suis né le 7 mars 1947 à Tréclun de parents agriculteurs, j'ai passé toutes mes vacances scolaires en moisson et à la récolte des oignons.
Bien encré dans le territoire, les trois quarts de ma généalogie sont situés entre Genlis et Auxonne. Mon ancêtre "DUGIED" le plus éloigné ( 13 générations ) vivait à Genlis sous Henri IV. On peut lui rattacher assez facilement un bon nombre des "DUGIED" vivant aujourd'hui dans le secteur.
Mes centres d'intérêt sont la généalogie, l'histoire locale, le patois : j'ai enregistré un Cd sur le patois de Tréclun, j'ai participé à l'élaboration du livre sur le patois des Granges d'Auxonne, et j'adhère à l'atelier patois de Brazey-en-Plaine."
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RÉCIT
"Depuis mon enfance j'ai toujours entendu parler du grand incendie du 19 juin 1865 à Champdôtre, village où sont nées mes deux grands-mères.
A cette époque on ne donnait pas beaucoup de détails aux enfants mais on ressentait de cet événement qu'un certain traumatisme avait perduré.
Jusqu'en 1960 je savais qu'une grande partie du village avait brûlé, que beaucoup de gens avaient tout perdu mais qu'il n'y avait pas eu de victimes. Cette année 1960 j'allais avoir 13 ans quand un article du bulletin paroissial m'apporta un peu plus de précisions. Comme je commençais à porter un intérêt à la généalogie j'ai donc ''cuisiné'' ma grand-mère maternelle (née en 1892) tant sur la famille que sur l'incendie que ses parents avaient vécu.
Le feu avait été allumé dans les dépendances de la maison familiale, occupée en 1865 par ses grands-parents maternels. D'autres infos glanées à droite et à gauche rapportaient que le mari de leur fille Catherine avait attaché celle-ci sur le lit avant de mettre le feu à la maison mais qu'elle en était sortie saine et sauve.
J'ai appris également quelques anecdotes sur cette grand-mère Jeanne (dite : Tontine) permettant de saisir son caractère et de se faire une idée de la vie de l'époque. Elle parcourait à pieds les villages alentour, un panier sur la tête pour vendre de la viande. Un jour de 1870 lors d'une altercation avec un prussien elle lui aurait jeté un morceau de bidoche à la tête. Sur l'incendiaire on savait qu'il était mort au bagne.
Plus récemment, avec l'arrivée d'internet et l'accès aux archives, j'ai constaté dans les recensements de population que l'adresse du couple n'était pas la maison des parents. L'épouse ne dormait donc pas au domicile conjugal ? L'état civil indiquait une différence d'âge de 24 ans, le mari veuf étant le plus âgé. Un enfant était né, âgé de deux ans en juin 1865.
Ce mari '' marchand de bestiaux '' et son beau-père '' boucher '' avaient le même âge !
Tout me portait à imaginer le mariage arrangé, pratique assez courante à l'époque, d'une jeune fille de 19 ans avec un monsieur '' établi '', mariage voué à l'échec.
Mais je n'en avais pas la preuve, jusqu'à une conversation avec Martine SPERANZA, au cours de laquelle cet événement fut abordé, et son courriel qui me permit l'accès à l'Écho Bourguignon du 10/09/1865 relatant les faits et le procès de l'incendiaire aux Assises de la Côte d'Or.
Dès la lecture du journal tout s'éclaire. Les zones d'ombre s'estompent, l'ambiance familiale et les faits qui ont conduit au drame se précisent.
Mon intuition sur le mariage raté était la bonne. La jeune épouse était réfugiée chez ses parents et c'est bien là que le feu a été allumé.
On apprend à la lecture du procès, les mauvais traitements, la lettre de menace, l'agression de l'épouse par son mari au milieu des champs et l'intervention de la grand-mère Tontine pour sauver sa fille. On comprend mieux que cinq ans plus tard un prussien ne lui fera pas peur.
On voit bien l'enchainement des faits, la préméditation, le machiavélisme de l'incendiaire se disant lui-même menacé, et ses mensonges dès l'incendie allumé.
Les récits que j'avais glanés n'étaient pas si éloignés de la vérité, sauf que l'épouse n'avait pas été attachée sur son lit mais sa porte de chambre avait été clouée. Finalement l'intention de l'envoyer ''ad patres'' était bien là.
On note dans les journaux de l'époque un immense élan de solidarité, avec un détail précis de tous les dons.
L'incendiaire fut condamné en septembre de la même année à vingt ans de travaux forcés et immédiatement embarqué pour le bagne de Nouvelle Calédonie où il mourut trois ans avant la fin de sa peine le 26 juin 1882 à l'ile des pins. Sa femme Catherine ne sortit pas indemne de ce drame. Atteinte psychologiquement elle fut incapable de s'occuper de son enfant. Elle mourut le 11 mars 1877. C'est la grand-mère Tontine qui éleva le gamin avec sa fille cadette Adélaïde ( mon arrière grand-mère ) qui avait sept ans en 1865.
En conclusion on remarquera la rapidité de la justice de l'époque et le fait que, même pour un événement vieux de 150 ans, on ne peut pas se fier uniquement à la transmission orale et que les archives sont bien utiles"
Michel DUGIED, le 4 octobre 2016
Michel Dugied vous propose le même récit qu'il a traduit en patois
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Remerciements à Fabrice pour le prêt des objets de pompiers
Mots-clés Champdôtre (Côte-d'Or), 19ème siècle, incendie, pompiers, presse locale, tradition familiale, patois